Le vieil adage dit "Un esprit sain dans un corps sain". Ledger n'a aucun des deux. Pour son esprit, c'est foutu : tous les artistes sont un peu mabouls, c'est pas nouveau. Par contre pour son physique … gueuler sa perfection à tout va avait tendance à lui attirer des ennuis avec les gros bras. Heureusement qu'il courait vite le p'tit rat des Meiji. Celà dit courir ça va un temps. Quand on a un tempéramment explosif on cherche d'autres solutions, on veut imposer son flow et exploser les badauds qui la ramènent trop. Donc il est temps de se muscler, et d'acquérir des techniques ! Direction la salle de boxe ! Mais Ledger a sa fierté, pas question qu'on se foute de sa gueule. Esquive, il se pointe le matin, assez tôt.
Face à cette foutue porte de fer, sa volonté s'ébranle : un artiste ne peut-il pas se contenter de survivre en usant de son esprit et de son imagination ? Non, arrêter de penser, avancer. Dans le monde que tu as choisis il faut aussi se salir les mains, transpirer, cogner, et recommencer. Il rentre donc, déterminé, en conquérant. Un coup d'oeil circulaire lui permet de constater qu'il est seul. Ledger jette donc son sac sur le côté, fait craquer ses doigts, penche sa tête à gauche, puis à droite … il cherche sa cible. Droit devant, un sac un peu amoché, probablement tendre du coup, jaune et noir. Ses couleurs. Un signe du destin. Calmement, il avance, fixant sa proie. Puis à quelques mètres il fonce et inflige un coup de pied au sac. En l'espace d'une seconde, l'apprenti ninja se retrouve par terre, le cul douloureux, le pied en miette, et son amour propre aux oubliettes. Le sac lui, il est pépère. Il le fixe de toute sa hauteur et se tape des barres. Rageux, Ledger serre le point, se redresse et balance ces mots à la gueule de l'aggressé devenu aggresseur :
" - Tu la fermes face de pastèque ou je te fais sauter la gueule !"
Ca va mieux. Oui, Kosei crache à la tronche d'un objet, c'est souvent. Décidément, il est mauvais en combat. Il n'a ni la force, ni la technique, … ni l'endurance. Y a qu'à sentir le sang qui pulse dans sa jambe douloureuse. Conscient de son infériorité, il retourne furibond à son sac, prêt à en sortir un couteau pour lacérer ce connard de sac hautain. Mais sa course s'arrête nette : après quelques minutes seulement dans le bâtiment, il constate la présence de quelqu'un d'autre. Depuis combien de temps est-il là ? Il est droit dans ses bottes, le nez rivé sur son téléphone. Ledger se fixe et sent une sueur froide couler le long de son front. Avait-il menacé le sac ? Qu'avait-il dit ? Des trucs compromettant ? Non, juste des conneries qu'un jeune adulte furax pourrait balancer par colère.
Le type repose son téléphone, et se met à boire. Il semble musclé, à l'aise … probablement un habitué. Une idée folle court-circuite son seul neuronne valide. Il respire un grand coup, et se dirige lentement vers la seule autre personne présente sur les lieux. Il prend la peine de faire un maximum de bruit pour ne pas se faire péter la machoîre en surprenant ce taureau.
" - Excusez-moi monsieur, vous avez l'air d'être un habitué … ça se voit probablement mais je suis plutôt faiblard et j'aimerais apprendre à me défendre … le climat est très tendu ces temps-ci et je ne suis pas très rassuré. Auriez-vous des conseils à me donner ?"
Un gosse. Un gosse adorable, poli, innocent à première vue, … un trouillard même. Qu'aurait-il à craindre ? Le type a largement l'avantage sur Ledger, pas de quoi se méfier d'un gringalé. Quant à savoir si le bonhomme accepterait de l'aider, c'était une autre paire de manche. D'autant qu'il n'a pas l'air causant, ni bien sympathique.