Il avait prit sa décision, il se lançait ! Une envie assez soudaine, mais qui l'avait saisie au détour d'une ruelle et ne l'avait plus quitté. Puis il était passé dans l'avenue Takeshita-dori, il avait vu une vitrine, et ça ne l'avait plus quitté. Ledger se retrouvait donc en soirée à arpenter les ruelles de Tokyo. Harajuku était animé comme à son habitude, et le blondinet jouait des coudes pour atteindre le tatoueur qu'il avait aperçu quelques jours auparavant. Il arriverait comme un cheveux sur la soupe, en mode branleur comme toujours. Il ne savait même pas combien ça lui coûterait, ni si le mec était bon. Rien à battre, l'inconscience est sévèrement ancrée dans sa personnalité. Faisant des zigs et des zags entre les meufs habillées de façon cheloue (et au final, ça l'éclatait de voir des gens qui ne se prenait pas au sérieux, leur style déchirait !), il finit par atterrir devant la vitrine toute propre. Une queue de fou, un mec au boulot, plein d'ado en chaleur attendant avec leurs modèles. Un dauphin, une tête de mort, un cœur, un prénom. Putain l'ennui et l'originalité quoi ! Et puis attendre l'avait finalement gavé.
Il venait de prendre une grande décision, genre LA décision la plus intelligente de sa vie : pourquoi aller à un tatoueur qui à priori respecte les règles d'hygiène et semble populaire, quand on peut risquer sa vie à aller voir un pouilleux probablement boucher à ses heures perdues ? Alors aussi lentement que Ledger était arrivé, il rebroussait chemin vers Shibuya. Là aussi, y avait sûrement multitude de salons. Mais non, il avait son idée en tête. Kosei aurait aussi pu demander à ses potes Meiji des références, s'il y avait pensé. Et puis merde, rien à battre.
Arrivé au Dédale, il fit glisser la capuche de son sweat sur sa tête, main dans les poches, prêt à balancer un de ses mécanismes. Pas une grosse bombe à faire sauter ta mère dans sa baignoire en plusieurs morceaux, nan, juste de quoi brouiller la vue et surprendre les braves connards. Il était déjà venu une ou deux fois à ses débuts dans le gang, quand Délico avait voulu le tester comme "gros bras". P'tain une catastrophe. Il avait voulu défoncer une table, et c'était la table qui l'avait défoncé. Mauvais souvenir. Malgré tout il réussit assez bien à se repérer, et entra chez le premier tatoueur qu'il trouva.
" - Yo ! "
C'était pas ouf. Plutôt propre à priori, mais le personnel le matait d'un mauvais œil. Quelques badauds attendaient, certains étant des gamins venus marquer leur dernier coup réussi sur leur peau, d'autres complètement camés attendant … un truc sûrement. Ledger s'approchait du comptoir et zieutait les croquis disposés en vrac. La vache, que des trucs bien dégueu. Pas son genre du tout. Le tatoueur semblait occupé dans l'arrière salle. Mais un mec très (très) bizarre le regardait par l’entrebâillement de la porte. Il clignait des yeux plusieurs fois. Mais non. Il remonta sa manche gauche, puis la droite, pas de trace de piqûre. Ce mec avait bel et bien les yeux rouges. Drôle de bestiole. Curieux, Ledger soutint son regard. Résultat, l'autre se pointa.
" - Mais quel blaireau … "
C'était sorti tout seul. Il relevait les yeux un peu confus : c'était pas adressé à Monsieur Sharingan, mais à lui-même, et il espérait que l'autre ne lui péterait pas les dents pour une insulte qui ne lui était pas destiné. Putain il allait dire quoi au tatoueur ? "Salut mec, je viens me faire tatouer, je m'en tape du temps que ça prend et de si t'es dispo. Par contre comme un abruti j'ai juste pas pensé à un motif." Non mais sérieux quoi ! Il connaissait une meuf avec un pingouin en formes géométriques, il en voulait pas. Mais l'idée était bonne. Repenser aux tatouages qu'il avait vu pour trouver un truc. Son côté gamin immature envisageait la gueule à Gaara sous forme de crâne. Mais nan clairement il ne gagnerait rien à se foutre ça sur la peau. Un triangle ? Il aimait bien ce symbole, mais c'était devenu tellement populaire que ça le dégouttait. Et pourquoi pas le symbole "toxique" ? Avec un rouage par-dessus ? Un façonneur à l'état pur ? Bof … Il s'en voulait. Ledger avait passé sa vie à critiquer les tocards qui se tatouaient pour se colorer la peau, sans avoir de sens derrière la démarche, mais pour le coup son caprice n'avait pas de sens non plus.
Il releva la tête et croisa le type aux yeux rouges. Il était arrivé au comptoir comme un corbac, sans un bruit, et Ledger sursauta. Peut-être que lui pourrait l'aider ? Visiblement l'encre dans la peau il avait l'habitude ...
Le soleil montait peu à peu dans le ciel laissant une lumière agréable plané dans les cieux. L'orange des nuages rendait le pays du soleil levant très agréable le matin, seulement, une tâche noire était dans les rues à ce moment, après avoir passé presque une nuit complète à parler avec cette Kaya, il décida de marquer à jamais cette soirée. Le corbeau marchait en direction d'un salon de tatouage peu réputé, mais où il était habitué d'aller. Il connaissait très bien le gérant. Lorsqu'il arriva devant les lieux, il poussa la porte de la boutique, la clochette retenti et l'homme derrière le comptoir arborait un sourire plus amical que commercial.
Raven s'avança jusqu'au comptoir afin de saluer dignement le personnage tatoué en face de lui. Il lui expliqua la raison de sa venue.
" Salut. J'ai encore une fois besoin de tes services. J'aimerais un tatouage dans le dos entre les omoplates, un livre enchaîné, enfin, je te laisse décidé du type de graphisme comme d'habitude, tu connais mon amour pour tes dessins et ton talent.
- Salut. Je te laisse patienté je te dessine ça et on est parti. "
Le corbeau se dirigea sur l'un des sièges et commença à regarder son téléphone. Il regarda rapidement les dernières informations de la ville, ses e-mails enfin, tout ce à quoi peut servir un téléphone. En réalité, il était plutôt concentré sur sa rencontre d'hier soir. Deux personnes dans une même pièce à se livrer l'un à l'autre laissant planer cette atmosphère entre l'inconnu et l'intimité balançant d'un côté ou d'un autre de temps en temps.
" Raven, on va commencer. "
Sans même jeter un œil au dessin du tatoueur, il était torse-nu, sur le ventre. L'arrière pièce du salon était orné des plus jolis tatouages effectués sur les clients de l'artiste. Certaines affiches arboraient avec fierté des phrases, des dessins abstraits mains remplies de sens pour le porteur. Quelques-unes étaient des photos de Raven, notamment sur les bras ou le cou. L'aiguille commença alors à doucement se planter dans le dos de la victime, laissant l'encre passer dans les pigments de la peau du corbeau. Il sourit. C'était la preuve qu'il existait et qu'il avait bel et bien vécu ce qu'il vit cette nuit. L'aiguille passa alors plus rapidement et plus frénétiquement dans la peau de Raven, c'était une douleur qu'il connaissait plutôt bien et qu'il apprécié particulièrement.
Un des collègues de travail de l'artiste se mit à la caisse et la porte s'ouvrit de nouveau, le moulin était ouvert. Des types peu recommandables arrivèrent les uns après les autres. Des costauds, des faiblards, des perdus et des drogués. En soit, l'univers de ce genre de lieu lui était tellement connu qu'il ne prit même plus la peine de regarder cette clientèle si hétérogène, mais soudain, lorsque la porte s'ouvrit une dernière fois, c'était un type à peine plus petit que Raven, les yeux gris fixant le corbeau. Il ne l'avait jamais vu avant dans ce salon, la plupart avait la tronche qui allait avec, mais celui-ci était chaste, du moins il en avait l'air.
Lorsque le tatoueur arrêta son aiguille, le charognard se leva et alla le rejoindre à la caisse. Ils discutèrent un moment, le type de tout à l'heure semblait continuer de le scruter, et même son ami l'avait remarqué.
" Peut-être qu'il a besoin d'un renseignement. Essaie d'aller le voir, si ça craint trop, je le dégage.
- Mh. "
Le corbeau tourna sa tête vers l'homme et il s'en approcha doucement, Raven n'avait ni le sens du commerce et n'avait pas pour habitude de parler avec ce genre de types.
Le frisson passé, Ledger prit le temps de scruter son nouvel interlocuteur. Il avait … quelques dessins un peu partout sur la peau. Et clairement la couleur de ses yeux n'était ni naturelle, ni due à des lentilles. Peut-être une maladie ? C'était bizarre. Pas une seconde il n'envisagea que quelqu'un de sensé puisse se faire tatouer la cornée volontairement. Et pourtant. L'envie de fuir venait de le saisir. Ces mecs étaient définitivement trop chelou, et même si celui en face de lui n'avait ni l'air de vouloir l'agresser ni de lui faire peur, Ledger n'était pas tout à fait à l'aise. Que ferait Sunny dans cette situation ? C'était quoi déjà ? "Si tu sens que ça pue, montre-leur que t'as pas peur, que t'en as des plus grosses !". Généralement, la technique n'était pas la solution. Ils avaient eu pas mal de soucis d'ailleurs.
Le corbeau prit finalement la parole, et bizarrement sa voix détendit Ledger. Il zieuta autour de lui. Au final à part la clientèle, c'était pas si chelou. Tout en passant lentement le regard sur les œuvres autour d'eux, il fit couler sa capuche derrière sa tête. Ce geste anodin eut pour résultat de lui chatouiller la tête, qu'il gratta violemment avant de se souvenir qu'il lui restait des points de son dernier incident. Mais apparemment ça n'avait pas cédé, alléluia. Il s'adossa au comptoir, un peu ennuyé.
" - Salut ! … j'vais passer pour un blaireau mais je sais plus ce que j'étais venu faire. "
Dans la catégorie manque de détail, Ledger numéro un ! Venu te faire tatouer gros con, évidemment. T'aurais du préciser que c'était le motif que tu avais oublié. L'autre allait te prendre pour un abruti de première, c'était certain. Il sortit une des nombreuses feuilles froissées stockées dans la poche de son pull pour tenter de gribouiller un motif, en espérant que l'idée reviendrait. Mais sans stylo, c'est chaud. Il se sentait encore plus con. Et il perdait patience. Il grogna pour lui-même avant de se frapper le front. Comme toujours pour le calmer, ses mains se mirent à plier rapidement une petite grue avec le papier vierge. L'effet escompté se produisit.
" - Je crains. Ça se voit je pense mais j'ai pas trop l'habitude de se genre de truc, genre j'ai une peau d'enfant, pas une peau de bonhomme comme vous. J'ai genre, cent questions et des bribes d'idées. "
Raconte ta vie, on s'en tape. A force de zieuter à droite et à gauche le regard de l'étudiant croisa de nouveau celui du corbeau.
" - Faut que je sache pour vos yeux, ça m'empêche de réfléchir ! "
Toujours plein de tact, de politesse, de manière. Mal élevé au possible, et curieux maladif. C'est vrai que ça l'obnubilait, que ça lui faisait faire un blocage. Blocage qu'il tentait de ré-freiner, tout en cherchant son motif, en canalisant son anxiété, sa gêne, l'envie de tutoyer le type … ça faisait beaucoup trop, même pour un génie comme lui. Il regardait dans la direction de la personne qui semblait être le patron, et qui les regardait d'une façon assez étrange. On aurait dit qu'il jonglait entre la suspicion et l'envie de bondir au moindre problème que Ledger pourrait faire à son client fraîchement tatoué. Machinalement il se pencha vers la gauche pour tenter d'apercevoir l'oeuvre toute fraîche. Quand il se rendit compte de la chose, il lâcha un vague "pardon" d'enfant qui vient de faire un truc pas forcément autorisé.
Décidément, Ledger allait passer pour un type chelou. Il s'imaginait déjà le patron arriver furax, le chopper par le col et le foutre dehors un coup de pied au cul. Et pour le coup il l'aurait peut-être mérité. Dire qu'au premier abord il s'estimait être le moins bizarre de tous … Il attendait donc aussi patiemment que possible tout en réfléchissant et en essayant de ne plus faire de geste douteux. Tiens et si c'était un corbeau justement qui lui avait picoré les yeux ? Nan, le blanc n'aurait pas viré au noir ...
Ce type était clairement bizarre. Du moins, c'est ce que pensait Raven, en réalité, il n'était simplement pas habitué à ce genre d'endroits, de lieux. Cela lui était inconnu, il découvrait cela avec une intéressante insouciance, une légère naïveté. Il n'était peut-être pas le plus intelligent, mais son regard fuyant et son incapacité à rester calme témoignais de son caractère possiblement candide. Il prit la parole, expliquant qu'il ne savait plus ce qu'il était venu faire ici. Raven mit ses doigts devant sa bouche comme pour cacher un petit sourire moqueur qu'il préférait néanmoins garder pour lui, de peur de le froisser. Ce type était amusant, à son insu visiblement. Il n'y avait rien de méchant dans le regard ou les paroles de Raven. C'était simplement inhabituel qu'un mec comme lui arrive dans un lieu plus ou moins mal vu de la plus grande majorité des citoyens. Tatoué son corps, c'est le marqué à vie. Alors que le jeune homme semblait encore hésitant quant à la raison de sa visite, Raven alla pour prendre la parole, mais l'homme le devança, ne réfléchissant pas spécialement à sa phrase.
Il expliqua qu'il n'avait pas l'habitude de ce genre de " trucs ", qu'il avait une peau d'enfant pas comme Raven qui d'après le nouveau, avait une peau de bonhomme. C'était amusant, tout était plutôt drôle chez lui, sa manière de dire et de faire les choses. Il avait sorti un vieux papier tout froissé, de sa poche, sûrement pour l'utiliser afin de dessiner quelque chose au pif, histoire de ne pas passer pour le dernier des idiots. Son regard fuyait toujours un peu partout, on aurait presque dit de la peur, mais le corbeau doutais fortement de cette explication, il n'était simplement pas rassuré à l'idée qu'une aiguille lui injecte une encre indélébile dans le corps, perçant peu à peu sa peau fébrile ; en clair, une nouvelle douleur.
" Vous pouvez poser des questions, le tatoueur et moi-même pourrons certainement y répondre, vous savez le... "
Il lui coupa la parole, l'impolitesse à son paroxysme, mais vu l'état de cet homme, le corbeau ne lui en voulu guère. Il fallait qu'il sache pour ses yeux, c'était quelque chose d'inconnu pour lui et le trouble qui l'habitait était tout à fait compréhensible. Le corbeau passa délicatement ses doigts sur ses paupières closes, comme pour comprendre ce qu'il disait.
" C'est un tatouage également, un tatouage oculaire. Pour le mien, on a utilisé un laser femtoseconde produisant un tunnel circulaire dans la cornée afin d'y injecter le pigment. Beaucoup de couleurs sont disponibles, cela s'appelle la kératopigmentation. Rien n'intervient directement sur l'iris donc la capacité visuelle reste intacte dans les meilleurs cas. Pour moi, cela m'a baissé un peu la vision, je porte parfois des lunettes pour lire ou regarder des écrans. "
Son explication était relativement claire et précise. C'était d'ailleurs plutôt intéressant de voir autre chose que de la peur dans les yeux des autres en observant ce genre de modifications corporel. D'habitude, c'est du dégoût, mais ici, de la simple curiosité. Aucun but de nuire.
" Avez-vous réfléchis à votre emplacement ou votre motif avant de passé ici ? Laisseriez-vous le tatoueur décidé ? Quel est votre budget ? Vous voulez dessiner quelque chose ? Si vous avez des questions, vous pouvez très bien en poser, cela est tout à fait normal d'avoir peur de décider. Nous sommes à votre écoute, et nous ne mordons pas. "
Bien que la voix grave et monocorde de Raven pouvait parfois mettre les gens mal à l'aise, ici, il se voulait rassurant et ouvert aux interrogations diverses de cet homme.
Dans le cas présent, Ledger était un peu comme une gothic lolita au milieu d'aristocrate : pas tout à fait à sa place. Il le ressentait et ça le gênait. Cette sensation ne lui venait pas spécialement du Corbeau, mais plutôt des regards alentours. Il estimait avoir du bol car son interlocuteur semblait à l'inverse du reste plutôt sympa. Pas ce qu'il aurait dit en le voyant arriver. Mais l'idée qu'il était "étrange" ne le quitta pas d'une semelle. Surtout quand l'autre lui expliqua l'origine de ses pupilles originales. A ce moment précis, dés le second mot, la mâchoire de Ledger tomba sans précaution. Il avait l'air d'un con, mais là, il s'en foutait.
" - Ah. Parce qu'on peut aussi se tatouer les yeux. Va falloir que je m'en remette je crois. En tout cas je ne suis pas venu pour ça, j'en suis sûr ! "
Aucune dérision dans sa voix, juste une réaction d'enfant qui découvre un nouvel univers.
" - Je pense que j'en aurai jamais assez pour prendre une telle décision en tout cas. C'est vachement poétique … si les yeux sont les fenêtres de l'âme on peut dire sans hésitation que votre esprit est sacrément blindé ! De l'art à l'état pur. "
Raconte ta vie, on s'en tape. A force de zieuter à droite et à gauche le regard de l'étudiant croisa de nouveau celui du corbeau.
" - Faut que je sache pour vos yeux, ça m'empêche de réfléchir ! "
Pas besoin de surjouer, pour le coup Ledger était réellement fasciné par ce gars. Il n'était pas spécialement costaud, mais du coup le fait de savoir qu'il avait été capable d'encaisser quelque chose qui semblait sacrément dangereux … bah ça en imposait ! Et Kosei aimait cette idée, il appréciait la démarche. Au fond, c'était une autre forme d'art que la sienne, mais celle-ci il ne la mépriserait pas. Personne ne pourrait la mépriser, on ne peut que la respecter. Les réactions du Corbeau endormait peu à peu l'agitation de son esprit. Il était cool, tout simplement. Il ne s'était pas moqué, pas énervé, ne le prenait pas de haut … et sa voix le berçait. Par contre cette voix posait beaucoup de questions.
Kosei prit le temps nécessaire pour y réfléchir avant de répondre, … ce qui dut prendre cinq bonnes minutes. Cinq minutes de long silence, le regard se baladant sur les tatouages visibles de son interlocuteur. Quand il en prit conscience, il espéra que l'autre ne le prenne pas mal. Quoi que quand on répond aussi posément et précisément à une question aussi brutale, on ne peut pas perdre son sang froid pour si peu, si ? En tout cas malgré l'apparence du jeune homme, Ledger n'aurait pas pensé que ce dernier travaillait ici. Les tatoueurs c'est tous des gros bras moustachus non ? Il plissa les yeux : non, pas de moustache couleur peau ou tatouée. Il se coucherait moins con.
" - J'ai quelques réponses oui. Je le voudrais sur le bras gauche. "
Il remontait sa manche avec difficulté, puisque Kosei avait pour habitude de toujours s'habiller trop grand et que la manche ne voulait pas rester en place pendant qu'il essayait de montrer l'emplacement exact.
" - Je veux bien que le tatoueur m'aiguille, mais pas qu'il décide. Je pense qu'un tatouage est propre à chacun, qu'il doit avoir un sens pour celui qui le porte. Pas juste un gribouillis sur la peau pour montrer aux copines. "
Sans le faire exprès, il s'était exprimé avec dédain envers les personnes qu'il dénigrait. Plus fort que lui.
" - En fait, j'ai deux idées. La première, un cercle qui tourne autour du bras et qui s'agrandit petit à petit, en noir bien sûr. La seconde, peut-être ce symbole de créativité sur le poignet, en discret … mais je suis vraiment pas sûr pour celui-là. "
De l'index Kosei venait de dessiner une sorte de cercle qui grossissait au fur et à mesure qu'il se fermait. Un symbole d'évolution, mais aussi de renouveau : quand on a fait le tour, on repart à zéro et on recommence. Si, il se souvenait, il y avait réfléchit. Mais maintenant, il doutait. Il n'avait pas peur non, la douleur on finit par s'y faire, il l'avait apprit avec Sunny au cours de leurs épopées. Mais c'était un choix qui le marquerait à vie, il devait être sûr. Pour le coup, il n'était pas avare de question et l'avis de son interlocuteur compterait beaucoup. En effet, le second motif lui semblait peut-être un peu trop enfantin. Et autre chose lui vint à l'esprit.
" - Sinon un autre motif … quelque chose que je pourrais combler au fil du temps, comme lorsqu'on accomplit des "missions" petit à petit. "
Clairement, il n'était pas convaincu bien que sa première l'idée lui plaisait bien.
" - Vous en pensez quoi ? Des emplacements ? Des motifs ? Vous avez d'autres idées ? "
Ce serait sûrement compliqué à formuler sans le connaître, mais le Corbeau semblait avoir un bon feeling. Au pire, il l'interrogerait de lui-même et Kosei répondrait, sans trop en dévoiler de Ledger.
" - Pour le budget j'ai environ … 20 000 yen. "
Petit silence, il attendait l'air un peu inquiet la réaction de son interlocuteur. Non, il ne s'était pas renseigné sur les prix, ça faisait trop ? Pas assez ? Il allait se faire couillonner à coup sûr. Et puis se promener avec cette somme en liquide dans le dédale, c'était pas forcément malin non plus. Dans tous les cas, il attendait avec impatience chaque intervention de son interlocuteur.
Parce qu'au fond, face à cette masse de calme il se sentait apaisé et ne ressentait pas le moindre besoin de fanfaronner ni de faire le malin.
▬ ft. Ledger. ( J'espère que le RP te plaira, des bisous ).
Le type n'était clairement pas sûr de lui, entre nous, c'était normal. Personne n'est vraiment confiant quand il va se faire tatouer par des gens qu'il ne connaît pas, puis pour les premiers, on se dit toujours que c'est quelque chose de super important, de compliquer, puis il y a les angoisses de la douleur, ou de simplement se dire qu'on est marqué à vie, imaginons que ça ne nous plaisent pas ? Il faut se rendre à l'évidence, c'est un peu compliqué pour toutes les nouvelles personnes, mais cet homme était non seulement un peu " je fonce dans le tas sans réfléchir " mais également angoissé. En soit ça devrait aller. Si ca faisait mal il n'avait qu'à fermer les yeux, serrer les dents. Si ça ne lui plaisait pas, Raven lui conseillerait de le faire retirer, il avait quelques adresses. En fait, ce type ressemblait un peu à notre corbeau avant qu'il ne soit un vrai tableau ambulant.
Il expliqua au tatoueur et au corbeau les quelques idées qu'il avait en tête, mais une était intéressante, celle du cercle autour du bras. C'était simple, pas cher et ça n'était pas le plus douloureux, mais il avait encore besoin qu'on le conseil sur cette décision, en soit c'était logique, personne ne l'accompagnait, ça semblait être décidé sur un coup de tête, mais ce mec n'était visiblement pas du genre à changer d'avis facilement, un peu perturbé et surtout une vraie tête de mule. Raven aurait pu lui dire qu'il devrait y réfléchir plus, avoir une réelle raison d'être là avec eux, mais en soit, ça ne le concernait pas. Déjà que sa nature relativement casanière c'était estompé pour lui adresser la parole il n'allait pas non plus être une seconde mère pour l'aiguiller.
" L'idée du cercle est intéressante, mais je ne compte pas choisir pour vous. Au niveau du budget, dit-il en se tournant vers le tatoueur, ça sera largement suffisant, si ça n'est qu'au poignet. En revanche si ça remonte un peu plus, jusqu'à l'épaule ça sera sûrement un peu plus cher, dans les 18 000 yen. Si vous gardez l'idée du poignet ça sera dans les alentours des 10 000 yen. À vous de choisir "
Le tatoueur hocha la tête montrant qu'il était d'accord avec le corbeau. En même temps, il avait travaillé ici pendant un petit moment, deux ou trois ans. Il n'avait pas tatoué grand monde, il percé plus qu'autre chose et s'occupait de la réception. À vrai dire, même si aujourd'hui les gens qui viennent dans ce salon sont habitués à lui, à l'époque ça n'était pas le cas. Un mec frêle tatoué un peu partout et des yeux anormalement rouge laisse les imaginations raconter des histoires sordides à son sujet. Peu de personnes avaient vraiment confiance en lui, comme quoi le physique laisse des jugements apparaître relativement vite dans la tête des gens. C'est en partit à cause de ce genre de comportement que Raven avait de moins en moins envie de côtoyer les autres êtres humais.
Le corbeau le regarda, attendant sa réponse, observant toujours ses mouvements de tête anarchiques, le regard fuyant tantôt à droite, tantôt à gauche absolument pas rassuré. Cela amusait Raven de voir ce spectacle. Cela ressemblait presque à un enfant découvrant un monde inconnu qui l'émerveillait autant qu'il lui faisait peur.
Ah. Le Corbeau s'était tourné vers le gros type pas rassurant, donc il y avait des chances qu'il ne soit qu'un client et non un artiste. Dommage, Ledger l'aimait bien, il aurait préféré que ce soit lui qui le marque à vie. Un mec qui se fait tatouer la rétine, ça avait impressionné le façonneur et ç'aurait été un honneur de passer sous son aiguille. Peut-être qu'un habitué comme lui passait parfois de l'autre côté du siège ? L'idée de remonter jusqu'à l'épaule lui plaisait bien, il n'y avait pas pensé. Assez peu discret finalement, mais sympathique. Ça lui laisserait la place d'ajouter des petits détails au fil du temps. S'il voulait un truc autour du poignet, il n'aurait qu'à enfiler un bracelet après tout. La mine concentrée, il tenta d'imaginer le résultat. Si le cercle se détachait pour tourner légèrement autour du bras jusqu'à l'épaule, ça pourrait signifier l'élèvement spirituel, on restait dans l'idée d'évolution. Mais pas permanente. Quoi que se mordre la queue, c'est pas forcément mieux.
D'un geste décidé il sortit sa liasse de billet qu'il posa brutalement sur le comptoir. Les dés étaient jeté, Ledger avait décidé. Et il ne reviendrait pas en arrière ! Comme un combattant de Yu-Gi-Oh! qui annonce la carte choisie, il s'exclame :
" - Alors je pars sur ce motif, enroulé autour du bras jusqu'à l'épaule ! "
Décidément, il n'était pas venu pour rien ! Mais la gueule du tatoueur ne le rassurait pas pour autant. Ça risquait de prendre du temps. Non pas que Ledger était très bavard, mais rester dans une pièce, sans bouger, sans pouvoir faire d'origami (parce qu'à une main, c'est complexe), et peut-être en douillant … si le mec ne tape pas la discussion, c'est long. Très long. L'agitation était déjà compliquée à retenir ici, alors une fois face à l'aiguille … 18 000 hein ? Il jeta son sac à ses pieds et enleva son pull aussitôt, restant en débardeur noir tout simple.
" - Je vous laisse ce qui est déduit du prix à deux conditions : la première, je veux commencer maintenant ! "
C'était risquer de se faire casser la gueule, certes, mais il est comme ça Ledger. Il scruta d'un air suspicieux le type du fond sensé se charger de lui.
" - Et je veux que ce soit le corbeau qui me tatoue ! Sauf s'il n'a jamais piqué personne. Mais ça me ferait chier. "
Non pas qu'il avait quelque chose contre celui qui semblait être le patron, mais il n'inspirait pas la sympathie. Et son interlocuteur avait prit l'initiative de s'occuper de lui, donc il y avait des chances que ce soit possible. Sinon Ledger souffrirait en silence. L'air résolu, il attendit les bras croisés, pull par terre et sac abandonné, la tune sur le comptoir. Au moins il ne risquerait rien en repartant les poches vides. Peut-être même qu'il gagnerait le respect du patron à s'imposer ainsi ? Ou alors il gagnerait des dents en moins, une possibilité.
L'homme prit la parole de faon relativement autoritaire cette fois-ci, souhaitant imposer clairement ce qu'il voulait. L'espace d'un instant le patron semblait perdre un peu patience avec ce type. Déjà, il arrivait dans son salon, il ne le connaissait ni d'Adam ni d'Eve et en plus, il était perché. Complètement paranoïaque peut-être ou juste sous l'emprise de la découverte d'un nouveau monde. Il posa sèchement l'argent sur le comptoir en exprimant son choix, il suivit le conseil du corbeau. Le regard toujours aussi fuyant, il imposait une première condition, c'était tout de suite que le tatoueur devait le prendre, pas après les quelques personnes qui attendaient. Le patron arqua un sourcil, son audace allait lui coûter cher, il préparait certainement une réplique bien piquante, l'air de lui dire " rappel toi où t'es gamin ", mais Raven connaissait son ami, il leva doucement la main afin de lui empêcher de commencer un affrontement verbal virant sur une brutalité certaine. Le type posa une seconde condition en regardant le corbeau dans les yeux. Il voulait que ce soir Raven qui le tatoue. Un sourire plutôt hautain étira doucement les lèvres de notre personnage surpris de l'audace de ce mec. Le patron se leva, en deux mouvements, il allait le choper par le col et lui balancer son argent à la tronche, mais Raven prit la parole, calmement, perdant ainsi son sourire plus ou moins positif.
" Je dois reconnaître que vous avez une certaine audace de venir vous pointer ici, sans connaître qui que ce soit, m'appeler " le corbeau " et poser vos propres conditions. Mais ça me plaît. Si j'ai l'accord du patron, ça ne me pose pas de problème. Je travaillais ici il y a de ça quelque temps, peu de gens avait le cran de me demander de marquer leurs peaux. Je ne suis pas un tatoueur de renom. "
Raven tourna lentement sa tête vers le patron, les bras croisés perdu entre les plis de son gros pull noir. Il attendit la réaction de celui-ci. " Ouais, on va dire que pour cette fois ça ira. Ce n'est pas comme si c'était ton premier tatouage Raven, va dans la salle à droite, celle de d'habitude. "
Le corbeau hocha la tête respectueusement envers son ami et tourna les talons faisant un léger signe de la main à Ledger afin qu'il le suive. Il poussa la porte de la salle, un fauteuil était en son centre, sur le côté un tabouret à roulettes et derrière, une étagère avec plusieurs produits et desinfectants en tout genre. Une table avec plusieurs autres produits et une espèce de machine arborant une aiguille plutôt imposante. Sur les murs des tableaux photographiques où étaient affichés quelques tatouages. La plupart arboraient avec fierté le corps dénudé de Raven, affichant certains de ses tatouages, ceux dans le dos, sur la nuque et les bras.
Le corbeau s'installa doucement sur le tabouret et mit des gants en latex sur ses mains ainsi qu'un masque de papier sur son visage, il commençait la préparation du matériel sous l'œil attentif du patron les regardants dans l'encadrement de la porte. Sans porter aucun regard sur sa victime Raven invita l'homme à prendre place. " Si vous voulez bien vous installer, nous allons commencer, vous allez avoir mal alors serré les dents, les cris me dérangent quand je travaille. "
Le patron ne put laisser échapper un petit rire à cette phrase. Le corbeau avait une certaine sensibilité artistique, mais il n'était pas réputé pour sa tendresse envers les clients et encore moins pour son empathie.
Bon bah il s'en tirait bien. Pas de dents en moins, de cote fêlée, et en plus il allait avoir ce qu'il voulait. Parfait. Mais même si ça lui trouait le cul, Kosei s'excuserait auprès du patron pour son comportement avant de partir. Si le Corbeau réalisait un bon travail il y avait des chances qu'il revienne. Donc autant rester en bon terme avec le gérant. Et avec son interlocuteur. De toute façon s'il était rare que le tatoueur du jour prenne des clients, concrètement il ça ne dérangerait personne que Ledger passe en priorité donc ... c'était peut-être pour ça que les clients n'avaient pas bronché. Une personne sensée se serait dit que si l'autre ne marquait les peaux que sur de rares personnes, c'était un plan foireux. Mais ça ne traversait pas l'esprit du Façonneur. Ledger récupéra ses affaires avant de suivre son bourreau du jour. Il s'inclina légèrement en passant devant le patron et esquissa un léger "Merci".
Et il pénétra dans cette antre assez particulière. C'était plutôt sympa comme déco. Original. Et pourtant un peu glauque. Ledger ne savait pas si c'était le fait de reconnaître des bouts de tatouage du Corbeau sur la peau nue des cadres, ou si c'était simplement l'anxiété d'être enfermé avec un inconnu. Ses yeux n'avaient pas le temps de scruter chaque détail, bien que l'envie était grande. Essayer de deviner ce qui se cachait derrière chaque motif, le sens du dessin, les sentiments à faire naître … boh, il aurait sûrement le temps une fois installé. Ce qu'il fit sous la demande de son tatoueur.
" - Ah. Bah je vais tâcher de ne pas vous perturber alors. Au passage je m'appelle Ledger, et vous pouvez me tutoyer ce sera sûrement plus simple. "
Il prit place sur le siège, zieutant chaque côté, testant le moelleux du fauteuil, contemplant l'aiguille, l'accoutrement du bourreau. Ça faisait beaucoup d'informations, sans un mot échangé à ce propos. Il glissa son autre bras sous sa tête et attendit patiemment. Donc il allait douiller. Très bien. Le patron matait pour se payer sa tête à tous les coups, très bien. Un mauvais moment à passer. Et puis, un tatouage qui ne fait pas mal, qu'on ne sent pas entrer dans la peau, ça n'a plus vraiment d'intérêt, si ?
" - Au fait désolé pour le "Corbeau". Je trouvais ça plutôt cool, et plus sympa que "Monsieur chelou à la rétine de sang". "
Ou comment tourner des excuses qui ressemblent plus à une insulte. Pourtant Ledger était sincère. Il était comme ça, c'était plus fort que lui. Et pour le coup le volatile allait plutôt bien à son propriétaire. Sauf peut-être dans son caractère, car jusque là son interlocuteur avait plutôt été sympa. Très pro, mais sympa. Et puis il n'avait pas essayé de lui faire avaler ses pieds, alors que ç'aurait été mérité. Petit à petit l'idée de ne pas pouvoir bouger pendant un certain temps faisait son chemin dans l'esprit du Meiji. Et ça l'angoissait. Bien plus que d'imaginer la douleur qu'il allait subir. Et pourtant, c'était peut-être ça le pire.
HRP : Pardon de ne pas avoir répondu hier soir je tenais plus TT
▬ ft. Ledger. ( J'espère que le RP te plaira, des bisous ).
Le corbeau passa ses ongles fraîchement vernis sur le jeu d'encres cherchant le noir qu'il prit par la pointe et vint le déposer sur la petite table à sa droite. Il saisit la machine la disposant non loin de l'encre fraîchement sorti de sa petite étagère.
" Enchanté, Ledger. " Dit il sans un regard sur son client principalement concentré sur les préparations de son travail. Il ajusta son tabouret et la petite table. Tout devait être bien positionné pour que le corbeau ne se perde pas dans ses éléments. Il a toujours était comme ça, un peu maniaque, mais finalement, on s'y habitue. Pour le tutoiement, Raven hocha simplement la tête, il s'en souviendrait. Il passa ensuite l'encre dans l'ustensile et passa un liquide froid sur l'entièreté dur bras de Ledger.
" Je vais devoir raser afin que l'encre pénètre facilement dans vot... Ta peau. "
Il se munit d'un rasoir et vint doucement raser les poils sur la peau du garçon.
" Il se peut parfois que les poils infectent l'encre fraîchement introduite dans la peau, c'est plus hygiénique et ça me permet de me faciliter le travail. "
Lorsque toute cette épreuve fut passée, il récupéra le matériel et l'actionna. Avant que la torture ne commence Ledger prit une dernière fois la parole, s'excusant du surnom attribué à Raven, expliquant que c'était plus agréable que " monsieur chelou à la rétine de sang ". Il ne nota pas cela, mais s'amusa intérieurement de ce surnom que beaucoup lui donne finalement. Habituellement, cela oscille entre " le démon "; " le Yakuza " ou " le corbeau ". Au final, cette idée de volatile lui allait plutôt bien. Raven déposa avec précision la machine sur le poignet de Ledger avant de reprendre la parole.
" L'outil que j'utilise est un Dermographe, cela est composé de plusieurs aiguilles attachées à une barre à canon électrique. Les pointes se déplacent alors de haut en bas et l'action des aiguilles permet l'insertion de l'encre sur ta couche de l'épiderme la plus haute, c'est un système plutôt classique à deux bobines. "
Les aiguillent se plentèrent avec une rapidité déconcertante, il faut dire que Raven n'y allait pas de mains mortes et il l'avait prévenu.
" Les aiguilles utilisées ici sont des liners, celles pour tracer les lignes du contour et pour le remplissage ça sera des aiguilles dites magnums "
La zone sollicitée commençait à devenir de plus en plus rouge, le corbeau parcourant avec souplesse et précision le début du poignet de Ledger, se moquant éperdument de la douleur que pouvait ressentir son client.
" Nous sommes sur des pigments à base des cristaux de carbone issu de la combustion de matières organiques permettant l'efficacité de l'accroche l'encre sur ton bras. "
Il retira le Dermographe afin de passer un coup de serviette humide pour faire partir le surplus d'encre située sur le dessus du poignet.
" On va en avoir pour trois bonnes heures voir plus. C'est la partie la moins douloureuse. Le remplissage est généralement un calvaire pour beaucoup, à force, on s'habitue à la douleur. "
Il continua son bout de chemin avec la même souplesse, la même précision et arriva jusqu'à la moitié du bras de Ledger. L'entièreté de celui-ci était rougie par pression des aiguilles dans sa peau, les yeux du corbeau se levaient doucement par intermittences vers Ledger afin de s'assurer que celui-ci ne soit pas tombé dans les pommes. Après tout tatoué une personne inconsciente est beaucoup moins intéressante.
Non ça fait pas mal les tatouages des conneries. Ça pique même pas, on sent rien. Ah, on en est pas encore là, pardon. Quand le Corbeau badigeonna son bras Ledger avait voulu lui dire qu'il s'était déjà lavé, mais rien n'était sorti finalement. Il observa son tatoueur du jour le décharger de tout ses poils, un peu étonné. Un coup d’œil vers l'autre bras … mouais, la classe ce serait pas pour tout de suite, il aurait l'air con avec un déséquilibre de pilosité. Mais c'était passager et pour une bonne cause. Donc il ne ronchonna pas. Ou en tout cas intérieurement. Ledger écoutait attentivement ce que lui expliquait son interlocuteur, et hochait la tête positivement pour lui faire comprendre que non, il n'était pas encore en train de mâter ses yeux peu communs.
Il avait même droit à un cours particulier. C'était d'ailleurs dommage que le façonneur ait une mémoire aussi pitoyable, il aurait bien aimé se rappeler de toutes ces choses. Mais déjà un nom composé de 5 lettres c'est compliqué, alors un appareil appelé "Dermographe" … non même pas la peine d'essayer. Une véritable arme de torture cela dit. Plusieurs aiguilles qui s’enchaînent … ça lui faisait penser à une mitrailleuse. Lui qui n'est pas branché arme pour le coup il ne pensait plus qu'à ça. Quoi qu'un petit mécanisme de nano bombes façon pétards ça pouvait le faire aussi.
Ayeuh. Ça piquait en fait. Ça piquait fort. Ledger serrait les dents, quitte à se les péter : il trouverait bien de la tune pour se les faire refaire. Son poing droit était serré, tandis qu'il tentait de détendre le bras victime des assauts du "Dermographe". Le Corbeau s'en tapait éperdument, mais le Meiji avait été prévenu, il ne bronchait donc pas. Il rejeta sa tête en arrière. S'installer confortablement et ne pas se focaliser sur le travail des abeilles. Ça parlait chimie, ça lui plaisait. Se concentrer sur la chimie.
" - Un véritable délice ! "
Ironisa-t-il avec un léger sourire forcé. La serviette humide fut un réel soulagement. De très courte durée, mais tout de même. Il replia sa jambe gauche sous sa jambe droite, lentement, prenant soin de ne pas bouger le membre douloureux. Faudrait pas que ça rate à cause de sa pomme. Trois heures. Plus douloureux. Parfait. Lui qui voulait s'en souvenir à vie, c'était probablement réussi. Malgré tout il ne regrettait aucune de ses décisions. Ni le choix du motif, ni sa taille, ni le choix du tatoueur. A force de serrer les mâchoires il ne les sentait plus. Lutter devenait compliqué, mais la volonté est un facteur clé, non ?
" - Trois heures c'est tout ? Vous faites ça depuis longtemps ? Apparemment ce n'est pas votre métier, un passe temps un peu original pour coller à votre apparence qui l'est toute autant ? "
S'il fallait rester enfermé ici trois heures à douiller comme un malade, autant faire la causette. D'autant que contrairement aux autres, ce type-là ne semblait pas le mépriser. Pourtant après son petit numéro à l'accueil, il aurait pu. Ou alors le plaisir de le faire cracher de douleur lui semblait une punition adaptée ? Parce que pour le coup, Ledger n'en était pas loin. Les larmes allaient bientôt lui monter aux yeux, et il commençait à souffler lentement par tranche de seconde. Une vraie gonzesse. Il se maudissait pour ça d'ailleurs. Son âme d'enfant capricieux reprit le dessus. Sans le vouloir, à zieuter partout, il était tombé sur … son bras ! Qui arborait des courbes plus gonflées et rougies que noires pour le moment. Mais le début semblait pas mal. L'imperfection de la peau maltraitée ressemblait à des montagnes russes, et forcément … Ledger eut envie de toucher.
Doucement son index droit se dirigeait vers un point qu'il avait choisi machinalement sans réfléchir. De même, il n'avait pas pensé que ça pouvait peut-être être mauvais de toucher aussi tôt, sans gant, sans précaution. Mais l'autre l'arrêterait non si c'était dangereux ?
" - D'ailleurs, ça vous vient d'où cette envie d'accueillir plusieurs tableaux sur votre épiderme ? Si ce n'est pas indiscret. "
Il fallait bien qu'il s'occupe. Surtout qu'il ne voulait pas tomber dans les vapes. Pas par amour propre, non, … il n'en avait déjà plus à sentir ses yeux se remplir de liquide salé. Mais plus par crainte : et s'il prenait l'envie au Corbeau de lui tatouer la rétine à lui aussi ? En jaune au moins, pas en rouge hein. Oui, non, plutôt pas du tout. Pas du tout c'était bien. Il douillait déjà bien assez avec son bras. De sa main droite Kosei s'empara d'une des nombreuses feuilles qu'il amassait un peu partout, et par conséquent dans sa poche. Il ne pouvait pas plier, mais la texture du papier lui inspira un sentiment de sécurité. Bien inférieur à celui de la douleur, mais tout de même.